« Je n’ai pas d’histoire à raconter. Je n’ai pas fait appel à une agence pour écrire mon storytelling. Parce que raconter, c’est choisir. Se mettre en avant, c’est trancher, sélectionner, et d’une certaine manière, accepter les étiquettes. Or, une identité est toujours le fruit d’un processus complexe, la mienne n’en fait pas exception. Je suis pétri des oeuvres de Ravel, de Rachmaninov, des Pink Floyd, de David Bowie, de Ligeti, de Kaija Saariaho, de la grande tradition occidentale tout autant que de chansons françaises, du rock et de la pop. Le fruit d’années de conservatoire se fond ici avec mes souvenirs familiaux, mes coups de cœur à la radio, au disque et à la télévision. Et si j’ai fait de la musique mon métier, c’est avant tout parce que j’aime les gens, qu’ils soient amateurs ou hyper spécialistes. J’ai beaucoup dirigé d’orchestres à l’école, d’orchestres amateurs… et au cœur de la musique dite contemporaine, je préfère également me laisser happer par le hasard des rencontres. Là encore je fais le choix de ne pas choisir, ni chapelles, ni écoles. Et de ces expériences, je tire quelques convictions :
Un certain rapport (et un rapport certain) à la création
Depuis des décennies, les institutions musicales donnent des créations. Mais une fois ce moment fort, que reste-t-il de ces pièces ? Combien de musiques de ballet, d’opéra n’ont été exécutées qu’une seule fois, devant un seul public… Je propose souvent de recréer. J’aime inviter les professionnels du secteur à produire d’autres concerts avec ces pièces créées il y a quelques années, dans un nouveau contexte, avec une nouvelle distribution afin de contribuer à faire répertoire. C’est une conviction profonde : diriger prioritairement des œuvres déjà créées mais trop vite oubliées.
Un certain rapport (et un rapport certain) aux publics
Même lorsque l’on est initié et professionnel, certaines œuvres nous échappent… alors que dire du besoin de médiation pour les néophytes ! La nécessité de la médiation n’est d’ailleurs, fort heureusement, plus à prouver dans notre secteur, mais je pense que c’est aussi le rôle d’un chef d’orchestre. C’est en tout cas comme ça que je le vis ; je suis un médiateur entre celui qui crée et celui qui reçoit. J’aime transmettre ces clés d’écoute, notamment auprès des plus jeunes, bien sûr, mais aussi auprès des publics abonnés mélomanes pour qu’ils acceptent de se laisser surprendre et de découvrir de nouveaux chefs d’œuvre.
Un certain rapport (et un rapport certain) aux territoires
La médiation va de pair avec un élan nécessaire pour sortir la musique des grandes institutions. J’aime l’idée que les projets, les programmes soient donnés au plus près des gens, et sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales et isolées, sur les lieux de travail et dans des lieux de vie.
Les nombreux projets d’éducation artistique et culturelle que j’ai menés m’ont sensibilisé aux enjeux des droits culturels. Ce n’est pas un à côté, mais au contraire, le cœur, le socle de ma pratique. »